Lésion ostéopathique d’effondrement de la structure osseuse

Pratique Publié le 17 janv. 2024

Depuis longtemps déjà, l’approche du Lien Mécanique Ostéopathique intègre systématiquement les différents types de lésion pouvant affecter la structure osseuse[1].

 

Rappelons aussi qu’il est important de considérer l’os comme un « organe » à part entière. 

Le tissu osseux assure plusieurs fonctions physiologiques essentielles.

   - Une fonction de protection : l’os assure une résistance aux chocs et traumatismes, et permet la protection des organes les plus fragiles. La cage thoracique protège le cœur et les poumons, le crâne protège le cerveau, et la colonne vertébrale assure l’intégrité de la moelle épinière. De par son architecture, l’os peut résister à des forces importantes en traction ou en compression.

   - Une fonction métabolique: 99% de notre calcium est stocké dans notre squelette. Celui -ci contient aussi d’autres substances minérales (phosphore, magnésium,  fer, sodium,…), qu’il pourra  ainsi libérer dans l’organisme en fonction des besoins du métabolisme cellulaire du corps. L’os  joue un rôle important dans la régulation de l’équilibre acido-basique.

   - Une fonction hématopoïétique et immunitaire: grâce à sa moelle rouge, l’os produit des cellules sanguines[2].

   - Un rôle endocrinien: l’os intervient aussi dans le métabolisme du glucose grâce à la production d’ostéocalcine, une molécule sécrétée par les ostéoblastes. Sa forme non-carboxylée agit comme une hormone. Elle favorise la prolifération des cellules β et la sécrétion d'insuline dans le pancréas et module la production d'adiponectine[3] par le tissu adipeux.

 

Grâce à ses deux grandes catégories de cellules (ostéoclaste et ostéoblaste), l’os passe son temps à détruire et reproduire le tissu osseux. Les ostéoclastes sont des démolisseuses, elles dissolvent le calcium à la surface de l’os, et le libèrent quand notre corps en réclame. Les ostéoblastes sont des bâtisseuses, elles fabriquent de l’os et le réparent si besoin. C’est ainsi que nous fabriquons de l’os chaque jour. Grâce au dynamisme du tissu osseux, c’est l’ensemble du squelette[4] que nous remplaçons en quelques années !

 

On peut  globalement classifier les lésions ostéopathiques de l’os en trois familles.

1. La fixation d’une pièce osseuse appartenant à un os comprenant une synostose[5] entre deux éléments ainsi soudés[6]. Ce type de lésion survient plus volontiers pendant la croissance osseuse, lorsque tous les os du squelette n’ont pas encore fusionnés.

2. La perte de flexibilité ou la déformation des os longs se traduisant par des cintrages ou des torsions de la diaphyse[7].

3. La perte de compressibilité d’un os long se traduisant par une rigidité de l’os dans son axe longitudinal (ligne de force), voire un phénomène d’expansion intra-osseuse[8].

Toutes ces lésions intra-osseuses ont pour caractéristique commune de répondre au test en pression par une résistance nette.

 

[1] P. Chauffour, E. Prat, J. Michaud, lésions ostéopathique de l’os, Ed. Sully, 2012.

[2] Tels que les leucocytes, érythrocytes, thrombocytes.

[3] Hormone sécrétée par le tissu adipeux, et qui améliore la sensibilité à l’insuline.

[4] En 4 ans l’os spongieux est renouvelé et en 10 ans, l’ensemble de l’os cortical est renouvelé (ref. Biochimie- Physiologie - physiopathologie- l’enseignement en fiche sept.2023 Elsevier Masson SAS)

[5] Une synostose caractérise l’ossification d’une zone cartilagineuse ou fibreuse qui sépare deux os.

[6] Par exemple lésion intra-osseuse d’un ischion en relation avec l’ilium et le pubis d’un même os coxal ou bien lésion segmentaire d’une sternèbre en relation avec une autre pièce du sternum. Les parties d’un os pouvant présenter ce type de lésion sont séparées par une ligne épiphysaire.

[7] Par exemple le tibia arqué que l’on retrouve souvent chez le nouveau-né et qui peut conduire, s’il ne se corrige pas spontanément dans les premières années, à un genu-varum.

[8] Cette lésion de ligne de force intra-osseuse correspond le plus souvent à une expansion du cartilage de croissance. Dans ce cas, elle se manifeste par un os plus long, comparativement à son homologue controlatéral, ou un os déformé avec un côté convexe plus long et un côté concave plus court.

Une lésion intra-osseuse particulière

Lorsque nous effectuons les tests en pression sur la structure osseuse, à la recherche d’éventuelles résistances, nous avons été plusieurs fois interpellés par une réponse inhabituelle : au lieu d’avoir sous le doigt une élasticité normale (test négatif) ou bien une rigidité intra-osseuse (test positif), nous percevons, dans certains cas, la sensation très particulière d’un effondrement, comme si, lors du test, le doigt pouvait s’enfoncer librement, sans résistance, dans la structure osseuse.

Ce type de lésion, qui n’est pas décrit dans la littérature ostéopathique, semble correspondre à un affaissement de l’os tel qu’on peut le voir par exemple dans les tassements qui affectent volontiers l’os ostéoporotique.

Cette lésion d’effondrement se retrouve le plus souvent au niveau des épiphyses des os longs (os spongieux), même si elle peut aussi affecter la diaphyse (os cortical), notamment dans les suites de traumatismes directs. Ces lésions touchent principalement les lignes de force de l’os (ou lignes de renforcement) qui, dès lors, ne peuvent plus remplir correctement leur rôle de transmission, d’amortissement,  et de dispersion des contraintes reçues.

Le tassement du corps vertébral, fréquent au niveau thoraco-lombaire et souvent corrélé à une ostéoporose, demande également toute notre attention. Cette lésion peut survenir brutalement, à cause d’un accident, ou même parfois suite à des gestes ordinaires, en dehors de tout traumatisme notable. On peut aussi ranger dans la même famille les dystrophies de croissance rachidienne (maladie de Scheuermann) avec leur lot d’altérations disco-corporéales (hernie intra-spongieuse et tassement cunéiforme du corps vertébral)[1].

Rappelons que, naturellement, toutes ces lésions d’effondrement de l’os sont une contre-indication absolue aux manipulations structurelles ou aux mobilisations forcées. D’où la nécessité de rester vigilant, notamment chez les personnes âgées, car ces tassements peuvent être des lésions silencieuses, sans signes d’appel particuliers.

 

[1] Le traitement spécifique de ces tassements vertébraux se réalise par un ajustement combiné de la vertèbre supérieure (processus épineux fixé en position haute) et de la vertèbre inférieure (processus épineux fixé en position basse). Sans prétendre réduire l’effondrement du corps vertébral, ce traitement combiné diminue les contraintes de tassement qui s’exercent sur le rachis et apporte beaucoup de soulagement aux patients qui en souffrent. Si le test est positif, on peut aussi ajouter à cette correction un ajustement spécifique de la ligne de force de l’épineuse pour redonner une meilleure élasticité au pilier disco-corporéal.

 

Diagnostic de la lésion d’effondrement de l’os

Il y a plusieurs manières de poser le diagnostic d’une lésion d’effondrement de l’os.

1. A partir d’un test en compression de l’épiphyse: comme lorsqu’on effectue un test de ligne de force, sauf que dans ce cas, c’est une réponse d’affaissement ressenti sous le doigt effecteur[1] qui témoignera d’une lésion d’effondrement. On peut alors ressentir un manque de rebond du tissu osseux. Une fois le test de compression effectué[2], notre doigt semble rester enfoncé dans la structure, sans aucune réponse à la provocation de notre test. Comme notre main est éduquée à chercher des blocages, il faut être très attentif pour percevoir cette sensation d’effondrement qui signe moins un manque d’élasticité qu’une perte de densité.

 

[1] Et non pas une sensation de blocage comme dans un test de ligne de force qui serait positif.

[2] Le test en compression sera accompagné d’une circumduction verticale, ce qui permet de mieux sentir ce manque de rebond du tissu osseux, avec un doigt qui reste fixé dans la structure, comme si le retour de la circumduction ne pouvait se faire.

Fig.1

Test en compression verticale du tibia dans l’axe des lignes de force

 

2. A partir d’un test en traction des métaphyses[1].

En prenant contact, entre pouce et index, sous l’épiphyse proximale de l’os avec une main, et au-dessus de l’épiphyse distale, de l’autre main, on effectue un test en traction dans l’axe de la diaphyse[2], comme si on voulait étirer les lignes de force médiale et latérale. Dans ce cas, un test positif de résistance à la traction signe la lésion d’effondrement de l’os[3].

 

[1] Partie intermédiaire de l’os située entre la diaphyse et l’épiphyse.

[2] Dans la même idée qu’un test en décompression de la diaphyse (Cf. P. Chauffour, E. Prat, J. Michaud, lésions ostéopathique de l’os, Ed. Sully, 2012), mais avec un test orienté sur les lignes de force médiale et latérale.

[3] Parfois, l’effondrement de la diaphyse n’est pas rectiligne (ligne médiale ou latérale) mais spiralé. Dans ce cas, la traction s’effectuera en torsion, entre la métaphyse proximale latérale et la métaphyse distale médiale (ou l’inverse).

Fig. 2

Test en traction des lignes de force dans l’axe de la diaphyse tibiale (contact métaphyses)

3. A partir d’un test en compression transversale des épiphyses.

Comme un tassement vertical s’accompagne le plus souvent d’une expansion latérale[1], on peut suspecter une lésion d’effondrement en testant l’os en compression transversale, comme pour un test de lignes de force intermédiaires[2].

Par exemple, au niveau des genoux, un test positif en compression transversale des condyles du tibia  peut être révélateur d’un enfoncement du plateau tibial.

De même, le test positif d’une ligne de force du processus épineux d’une vertèbre peut aussi, indirectement, témoigner d’un tassement vertébral.

 

[1] Comme un château de sable qui s’effondre. Ce qui se perd en hauteur se retrouve en largeur.

[2] Les lignes de force intermédiaires relient, au niveau des épiphyses,  les lignes de force latérale et médiale de la diaphyse. Cf. P. Chauffour, E. Prat, J. Michaud, lésions ostéopathique de l’os, Ed. Sully, 2012.

 

Fig. 3

Mécanisme lésionnel d’effondrement du plateau tibial avec expansion latérale des lignes intermédiaires

 

Fig. 4

Test en compression transversale du plateau tibial

Du fait de la continuité du réseau des lignes de force sur tout le squelette, les lésions d’effondrement peuvent aussi se retrouver au niveau articulaire. Un diastasis articulaire[1] fémoro-tibial latéral peut ainsi être indirectement révélateur d’une lésion de tassement ou d’écrasement de l’interligne fémoro-tibial médial. De même, une expansion latérale et/ou médiale des condyles du fémur, ou une ligne de force fémorale, se combinent volontiers avec l’effondrement du plateau tibial sous jacent. Dans ce schéma, seul le test en balance inhibitrice[2] nous permettra de déterminer la lésion intra-osseuse à traiter (l’expansion condylienne du fémur, la ligne de force fémorale ou l’effondrement du plateau tibial).

Notez aussi l’association possible de plusieurs lésions intra-osseuses différentes et leurs combinaisons possibles avec des lésions de diastasis articulaire. Par exemple, un tassement du condyle tibial médial et une ligne de force tibiale latérale, ayant pour résultante une relative inclinaison du plateau tibial. Si la lésion s’est installée pendant la jeune enfance, elle peut alors favoriser un genu-varum[3].

 

Dans tous ces cas, avec plusieurs lésions associées, le traitement combiné[4] se révèle particulièrement indiqué.

 

[1] Fixation des surfaces articulaires en divergence. Le diastasis favorise l’hypermobilité et l’instabilité articulaire ainsi que la distension ligamentaire.

[2] Cf. Diagnostic et traitement de la lésion ostéopathique selon l’approche du LMO.

[3] Cette double lésion est relativement fréquente car le plateau tibial, fait d'os spongieux avec une structure « en nid d'abeille », est plus fragile que le reste du tibia.

[4] Traitement par recoil appliqué simultanément sur deux lésions différentes. Le principe du traitement combiné est d’associer deux points pour agir sur la relation anatomique qui les relie.

 

Traitement de la lésion d’effondrement de l’os

Le traitement d’une lésion de tassement reste délicat car, en ostéopathie, nous sommes plus habitués à  « taper sur les bosses » qu’à « corriger des creux » !

Comme pour le test, nous proposons plusieurs approches de correction par recoil de cette lésion particulière d’effondrement osseux.

 

1. A partir du test en compression verticale (contact vertical sur l’épiphyse), le recoil sera effectué « en sens inverse », c’est-à-dire avec une impulsion dirigée non pas en poussant mais, au contraire, en décomprimant, en cherchant à « aspirer » l’os.

 

2. A partir du test en traction longitudinale, (contact sur les métaphyses), effectuer un recoil en cherchant à étirer les lignes de force médiale et/ou latérale.

 

3. A partir du test en compression transversale (contact sur la face latérale/médiale ou antéro/postérieure des épiphyses), effectuer un recoil en cherchant à réduire le tassement du plateau tibial, comme on redresserait un château de sable effondré, en le pressant sur les côtés.

 

Cas cliniques 

Une patiente de 40 ans consulte pour une douleur résiduelle du tibia gauche, suite à un choc direct survenu deux mois auparavant. L’observation montre clairement un tibia incurvé, enfoncé à sa partie moyenne. Le test en pression de la diaphyse confirme un effondrement de l’os. Quelques semaines après la séance, le tibia a retrouvé une forme normale et la patiente n’a plus de douleurs.

 

Une patiente  de 35 ans, consulte pour des douleurs du genou et de la cheville à gauche ainsi que du psoas gauche,  depuis deux ans. Elle ressent aussi, depuis ce même temps, une grande laxité de la tête de la fibula gauche l’empêchant de pratiquer la natation avec palmes, qu’elle a dû arrêter. L’examen LMO montre un effondrement de la ligne de force latérale du tibia gauche en lésion primaire, et une lésion de la ligne de force croisée du genou  gauche (condyle latéral fémoral – plateau tibial médial) en lésion dominante. La patiente a pu reprendre très vite la natation après le traitement, sans ressentir de laxité de la tête de la fibula, et n’éprouvait plus de tension du psoas, ni de douleur au genou et à la cheville.

 

Une jeune fille de 9 ans a reçu accidentellement une porte fenêtre, deux ans auparavant, sur le genou droit, entrainant une fracture des épines tibiales. Opérée et plâtrée deux jours plus tard, elle gardait après le sport des douleurs importantes sur le bord médial du genou. Elle a dû arrêter le hand-ball et ne pouvait plus s’entrainer pour la course à pied de l’école. La lésion ostéopathique primaire était un effondrement de la ligne de force médiale du tibia, avec une lésion de la ligne épiphysaire distale du fémur en dominante. Le résultat fût très concluant pour cette jeune patiente puisqu’elle a pu remporter l’épreuve de cross de son école !

 

Still disait «l’étude d’un os dans sa totalité demanderait une éternité[1] ». Il nous reste beaucoup à apprendre sur l’os pour mériter vraiment le titre d’ « ostéopathe » !  Il faut savoir tester ses différentes lésions intra osseuses et le considérer avec autant d’attention que n’importe quel autre organe. La lésion d’effondrement de l’os nous apporte un élément supplémentaire dans sa compréhension lésionnelle, permettant aussi une meilleure prise en charge de nos patients.

 

[1] «To know all of a bone in its entirety would close both ends of an eternity. »  Autobiography of AT Still, vol.1. 1897

 

 

Olivier Dusser DO

 

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